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Des nouvelles des enfants et des familles

Résilience: Parcours de mères – Anissa

D’origine algérienne, je suis maman de deux garçons, 12 ans et 9 ans, les deux ayant des besoins particuliers. J’ai fait mes études d’ingénieur agronome en Algérie, et j’avais ma propre petite entreprise.

 Nous sommes arrivés avec mon mari au Québec en 2007. Depuis mon enfance, je rêvais soit d’aller au Canada soit en Australie. Après l’université, j’avais décidé que ce serait le Canada, je voulais faire mes papiers mais j’avais un peu laissé traîner les choses. Par la suite, je me suis mariée, lui aussi préparait son immigration au Canada. Deux ans après, nous sommes arrivés .

Nous voulions reprendre des études, continuer à progresser. Mais je suis tombée enceinte deux mois suivant notre arrivée et la grossesse a été difficile.

Mon fils est né avec une plagiocéphalie mais ça s’est bien réglé.  Vers le 4eme mois, mon enfant ne répondait pas à son nom. Mon mari a même cru que c’était parce qu’il n’aimait pas son prénom, et voulait le changer.

La famille essayait de me donner des excuses pour me réconforter en disant que c’est parce qu’il était enfant unique, que ça finirait par débloquer. Moi je restais convaincue, je commençais des démarches pour notre fils, le papa ne l’admettait pas, il ne voulait pas, il niait. Pour lui, faire les démarches, c’est admettre qu’il y a un problème.

De mon côté, j’ai parlé de tout ça au pédiatre. Je lisais des choses sur internet, je savais qu’il y avait quelque chose qui ressemblait à de l’autisme. On n’en entendait pas beaucoup parler à cette époque (il y a 10 ans).

J’ai eu la référence pour aller à Ste Justine pour l’évaluation. L’attente était vraiment longue.

Avant ça, quand mon fils avait 18 mois, je suis venue au CLSC. Je ne connaissais personne, je tentais d’ouvrir des portes comme ça. Je suis sortie de mon ombre pour aller chercher de l’aide.

Parfois même dans le métro, je parlais à des gens qui avaient des enfants pour avoir des informations.

Je sortais, je cherchais les informations par le bouche-à-oreille car je n’avais pas de contacts. J’étais très isolée car nous venions d’arriver et je n’avais ni amis ni famille. J’étais sur internet et j’avais mon enfant.

Un jour, je sortais du bus au coin de la rue proche d’ici et j’ai vu la pancarte CLSC, je ne savais pas trop ce que c’était.

J’ai commencé à pleurer. J’ai rencontré quelqu’un à l’accueil psychosocial, je ne comprenais pas ce que je devais faire, je ne savais même pas si j’étais au bon endroit. Elle m’a dit « oui tu es au bon endroit » avec un petit sourire pour essayer de me réconforter. Je ne faisais que pleurer, je ne savais pas auprès de qui ventiler tout ce que je vivais, toutes mes inquiétudes.

Elle m’a mis sur les listes d’attente du CLSC correspondant aux besoins de mon fils.

En 2010, c’était plus facile que maintenant d’avoir des services en ergothérapie et en orthophonie au CLSC. C’était nouveau comme service, pour stimuler l’enfant avant l’évaluation à Ste Justine. Il y avait seulement deux mois d’attente. J’ai eu droit aussi à de l’aide à la maison pour avoir du répit.

On a attendu deux ans avant l’évaluation, mon fils avait déjà 4 ans. On nous a tout de suite dit que c’était de l’autisme franc. J’étais avec mon mari, c’était un moment très difficile. Pour lui, ça l’a été encore plus. Moi j’ai accepté, j’ai compris et j’ai cherché directement de l’aide. Je suis très sociable, ça m’a aidé…A croire que les femmes sont plus résilientes.

Après le diagnostic, il faut chercher des services du CRDI. On tombe sur la liste d’attente et notre enfant cumule du retard dans son développement, c’était très difficile.

En même temps, on essayait de lui trouver une place en garderie, une tâche aussi pas facile. La première place était bonne selon moi mais lui ne se sentait pas bien alors je l’ai retiré. La deuxième, je la trouvais moins bonne que la première mais lui se sentait mieux. Alors j’ai suivi ce que mon fils ressentait même s’il allait apprendre moins de choses selon moi. Ça me permettait aussi de prendre du temps pour moi.

J’ai essayé de travailler aussi car ça me faisait du bien. Je faisais de l’aide aux devoirs en remplacement. Je voulais me sentir utile et heureuse de pouvoir sortir de ce que je vivais. Mais il faut trouver quelque chose avec des horaires spéciaux pour me libérer l’après midi car maintenant mes enfants sont à l’école.

J’ai été inscrite aussi à l’université pour un certificat en intervention mais c’est tombé dans une période où un de mes enfants allait moins bien à l’école. Donc je n’ai pas pu suivre les cours du soir. Maintenant je réfléchis à des choses en ligne.

Avec mon deuxième enfant, le parcours était plus facile car je connaissais plus de choses. C’est comme si j’étais immunisée!

Quand il était jeune, il se développait sans particularité. Vers 14/15 mois, il a commencé à changer. On avait des inquiétudes. Nous avions l’impression de retourner quelques temps en arrière, une étape déjà connue, un nouveau combat à revivre… On avait de la chance dans notre malheur car nous avions une place en garderie adaptée à nos besoins.

Notre fils avait des services en orthophonie au CPE et l’orthophoniste qui y intervenait, travaillait aussi à la Maison de l’Enfance. Donc elle m’a informé des ateliers qui pourraient nous aider et je vivais moins d’isolement.

Je pouvais partager mon expérience avec d’autres mamans. J’avais beaucoup de plaisir, ça me réconfortait. Lorsque je viens ici, c’est ma deuxième maison. C’est le seul coin où je peux aller où il n’y a pas de jugement. C’est très humain, c’est une perle un lieu comme ça. Ça fait chaud au cœur !

L’évaluation a eu lieu après 9 mois d’attente (VS 2 ans pour le premier). C’était plus rapide car son frère avait déjà des besoins particuliers. Nous avons eu tout de suite les services en psychoéducation et pour l’orthophonie

Maintenant que mes enfants sont grands, je suis plus à l’aise. Je dis “j’ai deux enfants” sans spécifier qu’ils sont autistes, avant je me sentais obligée de le nommer pour me justifier.

Une fois scolarisés, je faisais tout avant leur retour à la maison pour être entièrement présente pour eux…maintenant je choisis mes batailles, je prends soin de moi quand ils sont à l’école…le matin c’est pour moi !

J’arrive même à faire à manger en leur présence et à les faire participer.

Je suis persévérante et je n’aime pas l’échec, j’apprends toujours de cela. On ne choisit pas ce qui nous arrive mais on choisit comment on va réagir.

Je n’ai jamais pensé à repartir en Algérie, si j’y retournais, j’aurais eu de l’aide pour moi mais pas pour eux. Il faut faire un choix soit eux soit moi, il n’y a pas de service là-bas.

Maintenant, je sens comme si j’étais née ici, j’oublie parfois que je suis née en Algérie. C’est ici chez moi. Quand je suis en Algérie, c’est mes parents et ma famille, je suis étouffée d’amour mais j’ai toujours hâte de revenir. Montréal me manque.

Je veux finir mon témoignage en remerciant toute l’équipe de la Maison de l’Enfance pour tout ce qu’ils ont fait pour nous et font encore.

 

Ce projet a été réalisé grâce à la contribution financière de la Ville de Montréal et du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration.

1 Réponse

  1. Deffo

    Anissa j’ai lu avec attention ton temoignage et j’ai coulé des larmes!!! Pourquoi? A cause de ta détermination , ta persévérance , ta grande résilience.j’ai noté cette phrase qui m’a touché en plein cœur : On ne choisit pas ce qui nous arrive mais on choisit comment on va réagir.merci pour ce partage, bien de choses à ta petite famille et un de gros coucou à tes petits cœurs!!! Ils ont une maman formidable ????????????????????????.

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