Résilience: Parcours de mères – A.
Je suis originaire du Maroc. J’ai 2 enfants de 12 et 5 ans.
Nous sommes arrivés au Québec en 2007. J’ai eu mon premier enfant un an après et je pensais recommencer des études une fois qu’il irait en garderie vers ses 2 ans.
Sauf que les éducatrices m’ont fait part de leurs observations, disant qu’il ne se socialisait pas trop avec les autres enfants. Il ne voulait pas faire d’activité de groupe, il voulait toujours prendre les voitures, il tournait les roues. C’était sa façon de jouer.
Comme c’était mon premier et que je n’avais pas d’autres petits autour de moi, je pensais que c’était normal. Il avait aussi un retard de langage.
L’éducatrice m’a dit de voir le pédiatre mais lui a estimé que ça ne nécessitait pas de référence pour faire une évaluation. Il se disait que comme nous étions immigrants, il arrive parfois que les enfants parlent plus tard. J’ai insisté en disant que ça ne coûtait rien de donner une référence, de la déposer et de voir ensuite. Il a fini par accepter.
Lorsque je suis allée déposer la référence, on m’a dit qu’il fallait attendre au moins deux ans pour être évalué. Je me suis dit mais c’est long !
J’étais inscrite dans un endroit où on peut louer des jouets et une dame était là avec ses deux enfants. Elle a vu mon fils qui avait les mêmes comportements que le sien. Elle m’a conseillé d’aller faire l’évaluation en privé, en me disant : ”tu vas payer mais c’est pas grave, tu vas sauver deux ans”.
J’ai cherché sur internet, je lisais des articles, je pleurais en même temps. Je ne savais pas ce que c’était un retard de développement, l’autisme. J’avais personne dans ma famille ni dans celle de mon mari, on ne savait rien ! C’était l’inconnu pour moi.
Je suis allée chercher une psychologue au privé qui a fait l’évaluation. Avant ça, j’étais déjà inscrite au CLSC pour obtenir des services en orthophonie. Ce qui m’a choqué, c’est que lorsque j’ai eu le diagnostic et que je suis retournée au CLSC, on m’a dit “tu ne peux pas avoir de services, on les donne avant que les enfants soient diagnostiqués”.
Je me suis dit ”oh mais qu’est-ce que j’ai fait, je voulais trouver une solution à la chose et finalement ça a retiré une piste dont on avait besoin. ”
J’ai compris alors qu’il fallait aller chercher les services ailleurs (au CRDI), on recommençait une autre histoire, c’est quoi le CRDI, on allait encore devoir faire des recherches.
En parallèle de ça, la garderie n’a plus voulu accueillir mon fils car ils n’avaient pas de services adaptés à ses besoins. J’en ai trouvé une autre qui, au bout de quelques jours, n’a plus voulu l’accueillir non plus.
A ce moment-là, je me suis dit: “Je cherche des services, j’ai personne, je n’ai pas le CLSC, je n’ai rien, comment je vais faire, je ne comprends rien, je sais qu’il a besoin de soutien mais je ne trouve pas”.
Puis j’ai trouvé une place, comme une prématernelle spécialisée. C’était loin, à Pointe Claire, mais au moins, c’était des demies journées avec un bon encadrement et des spécialistes. C’est privé, tu dois payer.
Ça m’a aidée, même si c’était juste deux heures par ci, par là. Même si mon fils faisait des crises, on l’accueillait, ils étaient là pour ça.
Je n’avais pas de voiture mais ça valait la peine de faire les déplacements jusque Pointe Claire en autobus. J’attendais alors sur place que la séance soit finie, je n’avais aucun endroit où aller sauf le centre d’achat.
En parallèle, j’ai été accompagnée par une travailleuse sociale du Centre de pédiatrie sociale ; la Maison de l’enfance n’existait pas encore à l’époque.
On a attendu 8 mois pour le CRDI, c’était un atelier d’une journée avec une équipe multidisciplinaire. Mon enfant avait 4 ans. Entre les premiers signes d’alerte donnés par la garderie et les premiers services du CRDI, deux ans se sont écoulés. Heureusement, je faisais plein de choses avec mon fils.
Et les déplacements ne le dérangeaient pas.
J’avais tout de même gardé ma place sur la liste d’attente de l’hôpital pour que mon enfant soit évalué par plusieurs spécialistes car au privé, c’est seulement un psychologue qui te donne le diagnostic.
Mon fils a ensuite été accueilli en CPE jusqu’à ses 6 ans avec une accompagnatrice quelques heures par jour grâce à une subvention.
Il faut savoir qu’il existe des subventions pour aider à payer des services complémentaires.
Il faut toujours chercher les ressources. Parfois, ça me brise le cœur de savoir que les mamans ont besoin mais ne savent pas que certains services existent. Personne ne te donne les informations. Si je ne m’étais pas creusé la tête sur l’ordinateur à faire des recherches, mon fils n’aurait rien eu de tout ça. Certains parents ne sont pas à l’aise ou éduqués avec Internet, comment font-ils? Tout passe par là.
Même certaines travailleuses sociales ne connaissent pas toutes les ressources et aides financières et c’est les mamans qui le savent.
J’avais même trouvé une piscine qui accueillait uniquement les enfants à besoin particulier. Parfois dans d’autres endroits, si ton enfant crie, tu es gênée mais tu ne veux pas expliquer aux gens. On te regarde comme si tu éduquais mal ton enfant.
Les places spécialisées coûtent cher mais ça en vaut la peine parce que je sais que mon fils reçoit la qualité de services dont il a besoin. Il peut crier, il peut grimper et c’est normal sans que personne ne juge.
Les examens de santé sont très délicats pour les enfants autistes, les services ne sont pas toujours adaptés. Il a dû passer un examen neurologique car il faisait de l’épilepsie. C’était compliqué, on le tenait car il se débattait, ça a pris 25 min pour que finalement les professionnels ne puissent pas observer ce qu’ils souhaitaient, on devait revenir ! Pareil pour des examens audiologiques.
Pour la scolarité au secondaire, ça n’a pas toujours été évident. On me conseillait un parcours de classe spécialisée TSA mais mon fils ne serait pas assez surveillé entre les heures de cours. Il pouvait aussi aller dans un cursus qui décrivait un programme pour des retards mentaux. Ça m’avait un peu choquée, car mon fils n’était pas dans cette catégorie. Mais avec l’autre option, mon enfant ne serait pas assez surveillé, donc j’ai finalement accepté le circuit pour les enfants avec une déficience mentale.
Faut persévérer, tu n’as pas le choix, c’est un long chemin avec mon fils, une job à temps plein, je ne pouvais rien faire pour moi.
Au final, tu fais toutes les jobs pour soutenir ton enfant, t’es son ergothérapeute, son orthophoniste, son éducateur…C’est difficile, tu ne comprends pas toujours ce qui se passe, ni ce qui déclenche les comportements de ton fils.
Quand mon enfant était au CPE, j’ai pu faire du bénévolat pour vivre un peu de fierté dans ce que je fais.
Une fois mon enfant scolarisé, j’ai eu du temps pour moi, reprendre des formations et faire différentes jobs. J’ai toujours voulu faire de la pâtisserie, j’ai fait un an de cours et maintenant je travaille en pâtisserie-chocolaterie. C’était un vrai virage à 360, au Maroc je travaillais sur des ordinateurs, des maisons, des plans etc. Mais j’adore ce que je fais maintenant.
Depuis mon arrivée au Québec, je me sens bien mais le côté familial nous manque surtout dans des situations comme on a vécu. Être seul avec tous ces besoins, ça n’est pas évident. Mais au Maroc, nous n’aurions rien trouvé comme services pour mon fils. Je sais qu’ici il existe des services, c’est long de les obtenir mais ça existe.
Je suis fière de ce que j’ai fait même si je sais que je n’ai pas pu tout faire.
Ce projet a été réalisé grâce à la contribution financière de la Ville de Montréal et du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration.